Bon à savoir
Présenter l’argent comme « le nerf de la guerre » n’a jamais été aussi juste qu’en période de crise. Une trésorerie rigoureusement gérée, suffisamment abondante, régulièrement alimentée, et exploitable avec réactivité : dur de trouver meilleure protection contre les périls de toutes sortes !
En pratique
Soignez votre « point mort » (le seuil de rentabilité) : intégrant l’ensemble de vos charges, poste par poste (la masse salariale chargée, les frais liés aux locaux, les frais généraux, les frais financiers, l’achat de matière première, les amortissements…), il vous permet d’estimer la viabilité de votre activité, à moyen et long terme. C’est sur la base de ce seuil que se détermine le chiffre d’affaires minimum à réaliser pour atteindre l’équilibre comptable. Ce tableau doit être mis à jour chaque mois.
Établissez un plan de trésorerie, qui permet de connaître en temps réel le montant de votre trésorerie disponible. Ce tableau intègre toutes les entrées et les sorties d’argent, mois par mois, et compare les flux prévisionnels avec les flux effectifs. Vous pouvez ainsi rapidement identifier non seulement les dysfonctionnements (ratio entrées/sorties dégradé), mais aussi des signes d’amélioration (meilleur ratio entrées/sorties). Afin que ce tableau puisse délivrer le bon niveau d’information, toutes les entrées et sorties de fonds doivent impérativement figurer dans la colonne du mois au cours duquel l’opération a lieu (par exemple, une facture émise en septembre et réglée par le client en novembre doit être imputée dans les encaissements de novembre).
Veillez à la justesse de votre BFR (Besoin de fond de roulement), qui peut se définir comme l’ensemble des sommes nécessaires au fonctionnement de votre entreprise à un instant donné. Dit autrement, le BFR indique le montant de trésorerie dont vous devez disposer pour ne pas passer au-dessous de votre « point mort », ce qui provoquerait l’apparition d’un déficit. Le BFR doit être évalué mois par mois, et pas seulement lissé sur l’année. Imaginons en effet que vous procédiez à une grosse dépense en début d’année (par exemple, achat de matériel, de marchandises…) : la compensation de cette dépense n’interviendra que plusieurs mois plus tard, et souvent de manière progressive. Entre-temps, votre trésorerie se sera considérablement dégradée. Si votre entreprise fonctionne en régime de croisière, cette dégradation est problématique, mais pas dramatique : la régularité de votre activité garantit le rééquilibrage rapide de votre trésorerie. En revanche, en période de crise, comme en période de forte croissance, une mauvaise évaluation du BFR a toutes les chances de porter un coup fatal à votre entreprise : votre déficit de trésorerie peut vous empêcher de financer vos dépenses courantes, et en premier lieu les salaires. Une situation qui ne pardonne pas, et qui conduit parfois des entreprises en pleine croissance à déposer le bilan ! Ce qui, soit dit en passant, doit vous inviter à travailler sur une hypothèse haute de BFR, pour conserver une soupape de sécurité en cas d’activité fluctuante, ou en cas de facturation d’acomptes importants lors d’une commande.
Face à la baisse brutale ou tendancielle de vos entrées d’argent, quelques actions simples peuvent ponctuellement soulager votre trésorerie : suspendre les dépenses périphériques n’ayant pas un caractère d’urgence, telles que l’achat de nouveau mobilier ou des travaux de réfection ; ralentir le paiement des factures fournisseurs (par exemple, en réglant vos factures par chèque le vendredi et en les envoyant par voie postale au tarif lent, vous gagnez au moins quatre jours de trésorerie !) ; mettre en place du factoring ou de la Dailly (autorisation de découvert gagée sur une preuve de facturation) ; acquérir du matériel informatique en recourant à de la LOA (location avec option d’achat) ou de la LLD (location longue durée). En cas de difficultés prolongées, réduisez au maximum vos dépenses de fonctionnement, bloquez tous les investissements, recouvrez toutes les factures non réglées, sans pour autant provoquer la panique de vos collaborateurs ou de vos fournisseurs. Enfin, dans un cas de trésorerie tendue à l’extrême, n’hésitez pas à rencontrer les services de l’État pour négocier un étalement des paiements (URSSAF, TVA…).
Dans l’hypothèse où vous envisagez de déposer le bilan (voir fiche conseil n° 11), sachez que la situation de votre trésorerie sera examinée très attentivement par le tribunal de commerce. Sans trésorerie permettant de faire vivre l’entreprise pendant trois à quatre mois, il est quasiment impossible que le juge accepte d’ouvrir une période d’observation. Ce dernier veut en effet avoir la certitude que vous disposez des sommes suffisantes pour restructurer l’entreprise et payer l’ensemble de vos charges courantes. Aussi est-il fortement recommandé de stopper tous les paiements (fournisseurs, services de l’État…) au cours des trois mois précédant le dépôt de bilan (hormis les salaires et les mutuelles retraite et prévoyance) : votre trésorerie s’améliore mécaniquement. En parallèle, vous devez ouvrir un compte de fonctionnement (sans en informer vos banquiers habituels) auprès des banques Delubac ou Themis, spécialisées dans le financement des procédures collectives (voir fiches conseil n° 4 et n° 11). Dans les jours précédents le dépôt de bilan, transférez la trésorerie accumulée sur le compte spécialisé ;
Notez qu’à titre exceptionnel, l’entreprise n’a pas l’obligation de verser les salaires du mois au cours duquel le dépôt de bilan est opéré (par exemple, ne pas régler les salaires de juin si le dépôt de bilan est effectué le 30 juin) : ces salaires sont pris en charge directement par les AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés), et sont versés dans les semaines suivant le dépôt de bilan. Ce dispositif explique, entre autres raisons, pourquoi les dépôts de bilan sont traditionnellement effectués en fin de mois : cela permet au chef d’entreprise de ne pas verser les salaires du mois en cours, et donc d’accumuler un peu plus de trésorerie. En revanche, le paiement régulier des salaires recommence dès le mois suivant, sous réserve toutefois que l’entreprise soit parvenue à faire valider sa période d’observation.
Alerte rouge !
Lorsque votre trésorerie (hors dépenses d’investissement) connaît une fluctuation à la baisse supérieure à 20 % par rapport à votre prévisionnel, durant deux mois consécutifs.
À retenir
Pour pouvoir perdre beaucoup d’argent sans compromettre ses actifs, il faut être suffisamment riche, c’est-à-dire disposer d’une trésorerie abondante et régulièrement alimentée. Dès lors, hors investissements, toute baisse brutale ou tendancielle de la trésorerie doit alerter le chef d’entreprise. Comme le dit ce sage proverbe d’entrepreneur : « Garder un œil à sa trésorerie vaut mieux que deux à son miroir. »