Bon à savoir
Le tribunal de commerce est tôt ou tard un passage obligé pour le dirigeant en proie à de grandes difficultés. C’est en effet dans cette enceinte que sont validées, ou, hélas, rejetées, les mesures censées aider l’entreprise à se redresser. Inhabituelle, la confrontation aux juges et au personnel judiciaire peut être fort déstabilisante pour le chef d’entreprise. Il importe donc d’appréhender cette étape avec le plus de distance possible, en dédramatisant la situation et en se familiarisant avec les us et coutumes du monde judiciaire.
En pratique
Préparez rigoureusement et méticuleusement vos convocations au tribunal de commerce. En période de crise, le volume des dossiers traités par les juges explose : des dizaines chaque semaine. Si votre dossier est unique à vos yeux et condense en quelques pages plusieurs années de votre vie, le juge ne peut y consacrer autant de temps que vous le souhaiteriez. Vous devez donc aller à l’essentiel tout en lui donnant envie d’accorder ne serait-ce que quelques minutes de plus à votre dossier. Le meilleur moyen d’y parvenir est de fournir des documents complets, soignés, irréprochables tant sur le fond que sur la forme.
Des règles qui valent a fortiori pour les audiences. Lorsque vous passez pour la première fois devant le tribunal, le jour du dépôt de bilan, il y a peu de chances que le juge ait eu le temps de se pencher sur votre dossier. Dans le temps limité qui vous est imparti, vous devez être suffisamment clair et concis pour raconter l’histoire de votre entreprise, analyser ses difficultés présentes, évoquer son avenir. Là encore, l’enjeu est de retenir le plus possible l’attention, tout en vous montrant convaincant. À cette fin, ne misez pas sur la théâtralité et vos talents naturels de tragédien, ou de comique : vous lasseriez le tribunal et vous aliéneriez immanquablement sa confiance. Le plus sûr moyen de défendre votre dossier est bien au contraire d’y appliquer toute la rigueur et le soin possible, pour fournir un argumentaire crédible et cohérent. Cela suppose de préparer soigneusement votre présentation orale, de la travailler, de la répéter. Vous pouvez l’enrichir et la professionnaliser à l’aide de tableaux prévisionnels intégrant plusieurs scénarios (par exemple, scénario optimiste/scénario réaliste/scénario pessimiste). Pensez dans tous les cas à associer vos IRP à cette phase de préparation : les délégués du personnel sont eux aussi convoqués aux audiences. Et n’oubliez pas que la confrontation au monde judiciaire est aussi déstabilisante pour eux que pour vous : allez ensemble aux séances, débriefez votre expérience dans des lieux neutres et informels, partagez vos impressions, soutenez-vous mutuellement.
Ne vous laissez pas impressionner par le théâtre judiciaire, son décor, ses costumes, ses acteurs… dont vous êtes ! Les juges que vous avez en face de vous sont des experts du droit social, du droit de l’entreprise. Leur compétence est éminemment technique : à travers eux ne s’exprime pas le jugement de la société des hommes. Vos interlocuteurs sont là pour apporter une solution technique à un problème technique – même si votre présence au tribunal soulève bien entendu d’importants enjeux humains. Plus vous serez préparé à votre confrontation au monde judiciaire, plus vous aurez de chance de rester maître de vos émotions et pourrez vous concentrer sur ce qui doit mobiliser toute votre attention et toute votre énergie lors de l’audience de dépôt de bilan : la défense argumentée, convaincue et convaincante de votre dossier. Une bonne manière de limiter au maximum l’improvisation et l’émotion est de prendre rendez-vous avec un administrateur judiciaire (via votre expert des procédures collectives par exemple, voir fiche n° 11) afin que ce dernier puisse vous préparer psychologiquement et techniquement aux audiences.
À votre demande, le juge en charge de votre dossier peut vous recevoir en dehors des audiences, dans le cadre d’entretiens personnalisés. Ceux-ci peuvent durer de trente minutes à une heure. Ne vous privez pas de cette opportunité : ces rencontres sont un excellent moyen de bénéficier de conseils sur mesure, qui vous aideront à sécuriser un peu plus votre dossier et, plus globalement, votre activité. Les juges du tribunal de commerce connaissent en effet parfaitement le monde de l’entreprise et sont aux avant-postes de la conjoncture économique : leurs conseils sont fiables et pertinents. Profitez par ailleurs de ces instants d’échange privilégié pour démontrer une fois de plus votre motivation et votre détermination à sauver l’entreprise.
Alerte rouge !
Lorsqu’on se rend au tribunal de commerce en ayant le sentiment que les dés sont jetés.
À retenir
Malgré le décorum parfois impressionnant (salle d’audience, robes noires) et la solennité des atmosphères judiciaires, le tribunal de commerce reste un lieu d’écoute, d’échange et de conseil. La bonne foi du chef d’entreprise, sa détermination, le sérieux et la pertinence de ses arguments influencent toujours favorablement l’opinion d’un tribunal. Croire que le juge est un ennemi et que sa décision est prise par avance serait une grave erreur