Bon à savoir
Le redressement judiciaire (RJ) est l’ultime filet avant la faillite. C’est une procédure collective, au même titre que la sauvegarde ou la liquidation judiciaire. Le RJ comporte deux phases : une phase d’observation et une phase de continuation. Durant la phase d’observation de six mois, renouvelable une fois, le tribunal évalue la capacité de l’entreprise à survivre au dépôt de bilan. À l’issue de cette phase d’observation, le dirigeant soumet au tribunal un plan d’activité couvrant la période durant laquelle l’entreprise devra rembourser ses dettes (entre cinq et dix ans). Sous réserve que le tribunal juge ce plan fiable et réaliste, l’entreprise entre alors en phase de continuation, et le dirigeant retrouve une totale liberté de gestion.
En pratique
Une fois prononcée la mise en redressement judiciaire, le juge désigne un administrateur judiciaire, chargé de suivre l’entreprise au quotidien. Dans l’hypothèse où le chef d’entreprise aurait commis une erreur de gestion relativement grave, l’administrateur a les pleins pouvoirs sur l’entreprise et prend l’ensemble des décisions financières et de gestion. Mais le plus souvent, il exerce un rôle de conseil, rassure le dirigeant, lui explique ce qu’on peut faire et ne pas faire, tout en détenant un pouvoir partiel de cosignature des engagements financiers ; notons à cet égard que l’administrateur accorde sa signature seulement si le compte bancaire de l’entreprise dispose des fonds nécessaires au paiement. Même si vous vous sentez dépossédé de votre pouvoir de gestion, jouez le jeu du binôme sans arrière-pensée, avec bonne volonté et célérité. Non seulement vous n’avez pas le choix, mais vous auriez tort de vous priver d’un accompagnement personnalisé. Et il est toujours bienvenu de gagner la confiance de l’administrateur judiciaire, auquel le juge accorde une oreille attentive. L’administrateur ayant de nombreux dossiers à traiter en même temps, impliquez-vous dans la relation, prenez l’initiative, préparez avec rigueur vos rendez-vous, montrez-vous le plus pédagogue et transparent possible tant sur votre activité et votre secteur que sur le climat des affaires et les perspectives à moyen terme. Pour mener ce travail de documentation et de pédagogie, appuyez-vous sur votre responsable financier, dont le rôle reste crucial (notamment pour l’élaboration du prévisionnel d’exploitation à six mois, pendant la période d’observation). Au final, l’administrateur sera rassuré par votre investissement, ce qui vous permettra peut-être de négocier dans un sens plus favorable certaines mesures de son ressort, comme votre rémunération par exemple !
Pendant la phase d’observation, d’une durée de six ou douze mois, les dettes de l’entreprise sont intégralement gelées (mais non annulées !) pour vous permettre de vous concentrer sur le paiement des dépenses courantes. Profitez-en pour générer et accumuler des bénéfices : cela prouve que votre organisation est adaptée à votre potentiel d’activité et que vous serez en mesure, le moment venu, d’honorer vos dettes. Un bilan d’activité doit à cet égard être remis tous les deux mois au juge sur papier et présenté en audience. En cas d’incapacité à générer des bénéfices conséquents, et a fortiori en cas de déficits prolongés, la période d’observation débouche généralement sur une procédure de liquidation judiciaire.
Si la phase d’observation est concluante, vous pouvez proposer un plan de continuation, qui sera en quelque sorte votre feuille de route pour les prochaines années. Bâti autour d’un prévisionnel d’activité et d’un prévisionnel financier, le plan de continuation permet d’ébaucher un calendrier de sortie du redressement judiciaire, étroitement corrélé aux capacités de remboursement de la dette (par exemple, si vous démontrez que votre résultat d’exploitation annuel peut atteindre 400 000 euros environ, tandis que le montant de votre dette s’élève à 2,4 millions d’euros, votre plan de continuation sera établi sur une période de six ans). Si le plan est accepté par le juge, vous retrouvez votre liberté de gestion, et votre dette est rééchelonnée, en concertation avec vos créanciers. Vous commencerez à rembourser celle-ci douze mois plus tard, ce qui vous laisse un an pour accumuler de la trésorerie. La phase de négociation de la dette est de toute première importance : non seulement elle fixe une durée de remboursement qui conditionnera votre activité sur plusieurs années, mais elle précise les montants et modalités de vos remboursements. Là encore, il est essentiel que vous teniez un rôle de premier plan, en allant au contact de vos créanciers, publics comme privés, pour tenter d’obtenir les meilleures conditions possible de remboursement.
Même s’il est légitime d’aspirer à un peu d’insouciance, après des mois voire des années de lutte, ne vous estimez jamais sorti d’affaire ! Tant que vous n’avez pas remboursé le dernier centime d’euro, vous restez une entreprise en convalescence. Ce qui ne manque d’ailleurs pas de vous être rappelé régulièrement : en plus du règlement annuel de votre dette, vous devez remettre chaque année à l’administrateur judiciaire le bilan de votre exercice fiscal, et ce jusqu’à la fin de votre plan de continuation. En cas d’objectifs non tenus, le plan de continuation peut être corrigé. C’est pourquoi vous devez réagir très rapidement si vous sentez que vous ne parviendrez pas à honorer votre échéance annuelle : effectuez une requête auprès du tribunal de commerce et sollicitez, en le justifiant, un rééchelonnement de dette. Il est plus que recommandé de faire préalablement valider la requête par votre administrateur judiciaire. L’échéance de remboursement pourra alors être repoussée sur une durée maximale de dix ans à compter de la date d’acceptation du plan de continuation – sous réserve que votre plan n’ait pas d’ores et déjà été validé sur dix ans… Autre piqûre de rappel quant à votre vulnérabilité : quand bien même votre trésorerie serait ultra-excédentaire, les grandes banques françaises de réseau n’acceptent pas toujours de placer les liquidités d’une entreprise en redressement judiciaire ni a fortiori d’octroyer des facilités de paiement de type Dailly, découvert… Ce qui ne sécurise pas la gestion courante et rend évidemment impossible tout nouvel investissement. Les banques Delubac et Themis peuvent mettre à disposition des lignes Dailly, et GE Capital, qui est l’un des rares établissements financiers à accompagner les entreprises en RJ, peut mettre en place des dispositifs de factoring. Enfin, sachez qu’en cas de liquidation judiciaire, et même si celle-ci porte sur une filiale de l’entreprise, le dirigeant se retrouve fiché pendant trois ans à la Banque de France : tout crédit lui est refusé pendant cette période !
Alerte rouge !
Lorsque la non tenue – ponctuelle ou récurrente – d’un ou plusieurs objectifs fait peser un risque fort sur votre capacité à rembourser la dette.
À retenir
Tant que la procédure de redressement judiciaire n’est pas close, c’est-à-dire tant que le dernier centime de dette n’a pas été remboursé par l’entreprise, le plan de continuation est l’alpha et l’oméga du dirigeant, sa feuille de route. Tout au long de cette période, les résultats d’activité doivent être conformes aux prévisions établies dans le plan. À cet égard, l’entreprise reste sous surveillance, via un contrôle annuel des comptes et des résultats d’activité opéré par l’administrateur judiciaire pour le compte du tribunal de commerce. En cas d’incapacité à rembourser la dette dans les délais impartis, et sous réserve d’une impossibilité de rééchelonnement dans une limite de dix ans, le tribunal prononce généralement la liquidation judiciaire de l’entreprise.