Bon à savoir
Dans l’imaginaire des chefs d’entreprise, déposer le bilan évoque l’action de déposer les armes. Se rendre, abdiquer face à une difficulté, avec tout ce que cela comporte de détresse et d’orgueil blessé. Le dépôt de bilan recouvre toutefois une réalité plus complexe. Du ressort du tribunal de commerce, ce dispositif juridique englobe sous une même désignation trois procédures bien distinctes, dites « collectives » : la procédure de sauvegarde, le redressement judiciaire, et la liquidation judiciaire. Si les deux premières mesures offrent à l’entreprise en difficulté une – petite – chance de s’en sortir, la liquidation judiciaire sanctionne quant à elle la faillite de l’entreprise.
En pratique
La sauvegarde s’applique à des entreprises encore solvables, mais qui risquent une cessation des paiements rapide si leur dette n’est pas rééchelonnée et si leur organisation n’est pas remaniée. Le redressement judiciaire s’applique pour sa part à des entreprises qui ne peuvent plus honorer ni leurs dettes ni leurs dépenses courantes (cessation des paiements), mais dont la réorganisation et les perspectives d’activité laissent présager une capacité de rebond. Quant à la liquidation judiciaire, elle est prononcée pour les entreprises en cessation des paiements pour lesquelles une réorganisation ne suffirait pas à redresser l’activité.
Ne vous laissez pas impressionner par la brutalité du vocabulaire judiciaire (contrôle, redressement, liquidation, administrateur…) et gardez à l’esprit que le dépôt de bilan est un acte de gestion, de la responsabilité du seul chef d’entreprise. Ce n’est donc pas un aveu de culpabilité, mais bien l’affirmation d’une volonté : celle de donner toutes les chances à son entreprise de se redresser. Plus vous tarderez à envisager cette mesure, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse, plus vous vous exposerez au risque qu’il soit trop tard.
Consultez un juriste expert des procédures collectives, qui saura dresser un diagnostic précis de votre situation et vous éclairer sur la procédure la plus adaptée à vos difficultés. Le dépôt de bilan étant une procédure juridique complexe, il est fortement déconseillé de s’y aventurer seul. D’autant que les spécialistes des procédures collectives forment un cercle très étroit, maîtrisant parfaitement les arcanes des tribunaux de commerce et pouvant jouer un précieux rôle d’intermédiation avec le juge. N’oubliez en revanche pas que ces consultations ont un coût lorsqu’elles sont le fait d’experts privés, et que vous devez les provisionner !
Le dépôt de bilan est une décision d’ultime recours : ce n’est pas une raison pour autant de le repousser au moment ultime. Un dépôt de bilan s’anticipe, comme toute mesure amenée à bouleverser l’organisation de votre entreprise. Ne serait-ce qu’en raison du temps de préparation qu’un dépôt de bilan requiert, surtout s’il s’accompagne d’un plan de licenciement, d’une restructuration massive de l’entreprise. Il n’est pas trop d’un mois pour collecter toutes les informations, prendre toutes les décisions nécessaires à la recevabilité du dossier déposé au tribunal de commerce. Il vous faut par ailleurs du temps, dans la perspective d’une cessation des paiements, pour accumuler suffisamment de trésorerie, ouvrir un compte de fonctionnement dans une banque spécialisée dans les procédures collectives, y transférer votre trésorerie sans affoler vos banquiers… (voir fiche conseil n° 3). Vous devez enfin préparer le plan de communication qui accompagnera la mesure et la justifiera auprès de vos banquiers, clients et fournisseurs.
Attention : en cas de cessation des paiements, il est strictement interdit de privilégier un fournisseur par rapport à un autre, même sous la pression. Dans le même ordre d’idée, il vous est formellement interdit de retirer de l’argent de votre compte courant d’associé dans les mois qui précèdent la cessation des paiements. Même si ce retrait est opéré de bonne foi et vise à subvenir à un besoin légitime, il peut être considéré comme une faute de gestion, pouvant relever du domaine pénal. La somme litigieuse peut par ailleurs être réclamée par le tribunal. Sachez à cet égard que lors du dépôt de bilan, le tribunal est habilité à examiner l’ensemble de la gestion du dirigeant au cours des six derniers mois.
Alerte rouge !
Lorsque le volume de trésorerie ne permet plus de financer les charges courantes au-delà de cinq mois.
À retenir
À maints égards, il est légitime d’associer le dépôt de bilan à l’antichambre de la faillite. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : seules 2 à 3 % des entreprises ayant déposé le bilan sont encore en activité cinq ans plus tard. Pourtant, bien conçu, le dispositif peut s’avérer très utile… s’il est bien utilisé. Acte de gestion dont la responsabilité incombe au seul dirigeant, le dépôt de bilan requiert un excellent niveau d’information, un accompagnement de qualité, ainsi qu’une rigueur et une détermination sans faille lors de la conception et de la mise en œuvre du plan de poursuite de l’activité (le plan de continuation).