Bon à savoir
Pour un chef d’entreprise, licencier pour des motifs économiques est l’une des décisions les plus difficiles qui soient. Une entreprise est un collectif de travail, fédérant des individus dotés de compétences propres et adhérant à un projet commun. Licencier est donc un échec, pour le dirigeant comme pour l’entreprise. Même lorsque la crise y contraint et qu’il n’y a pas d’autre recours pour éviter la disparition totale de l’entreprise. Le licenciement économique doit donc être une mesure ultime, expliquée, justifiée. C’est à ce prix que le collectif de travail, bousculé, parviendra à maintenir sa cohésion.
En pratique
Commencez par considérer le licenciement comme un coût et non comme une économie. Cela vous permettra de prendre une décision de licenciement avec la rigueur et le sérieux qui s’imposent. On ne le répétera jamais assez : le licenciement est une perte sèche pour l’entreprise. Perte de moral et de motivation des collaborateurs, perte de confiance dans le dirigeant, perte financière à court et moyen terme, puisqu’un licenciement coûte cher, voire très cher si la personne a de l’ancienneté. Autant d’éléments qui doivent vous convaincre de l’importance d’utiliser avec parcimonie et raison cet instrument et ne pas multiplier les plans de licenciement, très douloureux pour le corps social et l’organisation de l’entreprise. Mieux vaut à cet égard procéder à un plan de licenciement massif qu’à une succession de petits plans.
N’attendez pas que votre trésorerie soit épuisée pour prendre la décision de licencier. Un licenciement économique est compliqué à mettre en œuvre, prend du temps et peut coûter très cher. En cas de baisse brutale de l’activité, il faut savoir prendre une décision vite. En guise de cas pratique, imaginons que vous souhaitiez licencier un cadre ayant quatre ans d’ancienneté et dont le salaire mensuel brut s’élève à 4 500 euros : vous devez payer le préavis (3 mois) + 1/3 mois par année d’ancienneté (en fonction de la convention collective) + le solde des congés, les primes de vacances, etc. Le montant total pour l’entreprise s’élève donc à (4 500 x 3) + ((4 500/3) x 4) + ½ mois de salaire (solde des congés) = 21 750 euros. Si vous y ajoutez les charges patronales (52 % environ, soit 11 310 euros), le licenciement vous coûte plus de 33 000 euros. Somme à verser en une seule fois ! Imaginez dès lors que vous deviez vous séparer de cinq, dix, quinze personnes : si votre trésorerie n’est pas suffisante, vous serez contraint de déposer le bilan et, selon toute vraisemblance, partirez directement en liquidation judiciaire. En d’autres termes, vous devez agir vite : à un mois près, vous pouvez soit espérer vous en sortir, soit être réduit à la faillite…
Référez-vous pragmatiquement et sans orthodoxie aux critères légaux de licenciement économique (charge de famille, ancienneté, capacité de réinsertion, qualité professionnelle). Belle construction théorique, les critères légaux de licenciement sont quasi invariablement inadaptés aux profils de vos collaborateurs. L’entreprise est une addition de cas particuliers qui ne se laissent pas enfermer dans des catégories réductrices ou des croisements arbitraires : un collaborateur non licenciable au regard des critères légaux pourra par exemple avoir cent fois plus de chances de retrouver un emploi rapidement qu’un collaborateur réputé prioritaire sur la liste des licenciements… Et ce qui est vrai dans votre entreprise ne l’est peut-être pas dans celle de votre voisin ! Tout dépend de votre domaine d’activité, du bassin d’emploi, de la formation de votre collaborateur, de sa carrière, de ses fonctions actuelles, de sa motivation, etc. Bref, la pertinence et l’équité des mesures de licenciement résultent moins du strict respect des critères légaux de licenciement que de la bonne connaissance des équilibres internes à l’entreprise, du type d’emploi à préserver pour ne pas compromettre l’activité, de la capacité de tel ou tel collaborateur à impulser une dynamique positive dans l’entreprise. Autant de paramètres justifiant de bâtir aussi finement que pragmatiquement un plan de licenciement, en étroite concertation avec le comité de direction, l’encadrement managérial et les institutions représentatives du personnel (IRP).
Assumez votre décision jusqu’au bout, avec courage, détermination et responsabilité, en expliquant les raisons de votre choix aux collaborateurs licenciés, lors de rencontres formelles ou informelles. Clarifiez également les motivations de votre décision auprès du reste des équipes, à la faveur de réunions d’information exceptionnelles. Attention : la loi interdit de prévenir directement les collaborateurs concernés tant qu’ils n’ont pas reçu à leur domicile un courrier en recommandé les informant de leur convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement. Courrier devant être expédié le jour de l’annonce publique, par les délégués du personnel, des licenciements. Au risque d’exposer inutilement les collaborateurs à une angoisse dévorante…
On oublie souvent qu’un licenciement n’a pas qu’un impact interne : il déconstruit aussi un ensemble de relations nouées avec des partenaires extérieurs à l’entreprise (clients, fournisseurs). C’est la raison pour laquelle vous devez préparer, en parallèle du plan de licenciement, un plan de communication et de continuité, ce dernier consistant à définir les modalités de poursuite de la mission (par exemple, qui reprend les tâches ? à quel rythme ? avec quels engagements ?). Vous pourrez ainsi annoncer le départ de vos collaborateurs sans provoquer de trop fortes inquiétudes chez vos partenaires externes et réduirez les risques de rumeurs négatives au sujet de l’entreprise. Il est souhaitable que vous introduisiez vous-même, de visu ou par téléphone, la personne qui reprendra en charge le dossier et explicitiez sans les dramatiser les raisons de ce changement organisationnel.
Alerte rouge !
Lorsqu’en mettant la touche finale à un plan de licenciement économique, vous avez la certitude qu’il ne sera pas suffisant et qu’il faudra procéder à de nouveaux licenciements quelques semaines plus tard.
À retenir
Même si en période de crise économique, la décision de licencier résulte de causes exogènes et répond à un besoin rationnel et légitime, elle n’en suscite pas moins un sentiment d’échec chez le dirigeant. L’emploi n’est pas une variable d’ajustement comme une autre : c’est l’ultime variable. L’impact psychologique, affectif, mais aussi organisationnel, peut être dévastateur pour le collectif de travail. Un licenciement ne se décide donc pas à la légère et doit impérativement être expliqué et resitué dans son contexte auprès des équipes.